Pour l’opinion commune, confortée par la proximité chronologique des deux événements, la naissance de l’État d’Israël en 1948 est une conséquence quasi directe de la Shoah. En effet, un lien essentiel relie de nos jours la catastrophe juive du XXe siècle à l’État d’Israël, mais ce lien est de nature politique et il est postérieur à 1948.
Comment le Foyer national juif a-t-il perçu la catastrophe qui se déroulait entre 1933 et 1945 ? Comment l’État d’Israël a-t-il géré ensuite le souvenir d’un événement qu’il va longtemps commémorer en opposant l’héroïsme des insurgés des ghettos à la « lâcheté » supposée de toutes les autres victimes ? Loin d’occuper la place centrale qui est désormais la sienne dans l’État d’Israël, le souvenir de la Shoah suscita longtemps une attitude de honte et de rejet. Or, aujourd’hui, en particulier depuis les guerres des Six jours (1967) et de Kippour (1973), et à rebours du rêve de l’« homme nouveau » voulu par le sionisme des pères fondateurs, la Shoah est au coeur de la construction de l’identité israélienne. C’est notamment par elle que les Israéliens sont redevenus juifs au terme d’un processus mémoriel qui pourrait, à terme, contribuer à fragiliser la légitimité même de l’État juif.
Historien et professeur d’histoire, Georges Bensoussan est notamment l’auteur de Auschwitz en héritage ? D’un bon usage de la mémoire (Mille et une nuits, 1998, rééd. 2003), d’une Histoire intellectuelle et politique du sionisme (Fayard, 2002), et d’ Europe. Une passion génocidaire. Essai d’histoire culturelle (Mille et une nuits, 2006).
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